16 mai 2017

Tianjin

J'ai l'impression que mon voyage en Asie commence à Vancouver: le terminal D pour les vols au-delà du Pacifique est rempli d'asiatiques, et toutes les boutiques hors-taxes leur semblent dédiées... (y a même un panda aux couleurs du drapeau canadien... euh?) ... j'arrêterais bien prendre une dernière bière nord-américaine, mais il est encore trop tôt pour les canadiens-anglais, pas moyen de se commander une pinte avant 11h ici... 
Le trajet sur Air-Canada s'est super bien déroulé. Je suis toujours surpris de voir que 10h30 de vol pour atteindre Beijing n'est finalement pas si pire qu'on pourrait le croire... surtout si on écoute trois films, on dort quelques heures et qu'on passe le reste du temps à bouffer...
J'étais attendu à Beijing, deux de mes futures étudiantes avaient été mandatées pour accompagner le chauffeur (avec la typique pancarte avec mon nom dessus, à la sortie de l'enregistrement... la mercedes blanche m'attendait dehors, y manquait juste les petits drapeaux canadiens sur le hood et l'escorte de police en moto pour me sentir vraiment spécial!
2h de route sépare l'aéroport de Beijing de mon hôtel à Tianjin, et ce n'est pas le trajet le plus bucolique de l'histoire... les deux immenses villes se rejoignent à mi-chemin, et il reste peu d'espace pour autre chose que des manufactures, usines et immenses parcs technologiques... j'ai été surpris d'apprendre, quelques semaines avant mon départ, que Tianjin comptait 15.5 millions d'habitants!!... pas pire pour une ville dont je n'avais jamais entendu parler!! et il doit y en avoir plein des comme ça partout en Chine, des endroits qui ont poussé en plein milieu de nulle part et dont l'expansion est maintenant incontrôlable.
 C'est jamais bon signe... 
 J'ai vu Shenzhen et Guangzhou dans le sud de la Chine, deux villes qui n'étaient que des petits bleds il y a 25-30 ans mais qui ont été littéralement métamorphosées en mégapoles de 10 millions de personnes, le béton, l'asphalte et la pollution tuant du même coup toute l'histoire, le charme et l'esthétisme (et parfois même ses habitants)...
Tianjin ne fait pas exception à cette règle. Après presque 2 semaines, je cherche encore son charme, et une bonne raison d'y passer plus de temps... ce sont souvent les emplois et les occasions d'affaires qui nous accrochent aux endroits sans attraits, mais ici, quand on tousse sa vie après une journée à marcher le long des rues, on se dit que les poumons méritent nettement mieux!
Mais pour deux semaines, je pouvais toffer sans problèmes... j'ai quand même l'expérience de 3 ans à Hong Kong! Par contre les poumons n'ont pas une mémoire très longue et j'ai pris quand même quelques jours pour m'habituer. Comble de malchance à ma deuxième journée: le smog habituel était accompagné d'un nuage de poussières venu de Mongolie, ce qui donnait à la ville une couleur rougeâtre, une visibilité de spa humide, et l'air avait un goût de sable... 


J'avais toute la journée du lendemain pour décompresser, et m'ajuster au décalage horaire, j'en ai profité pour partir prendre une grande marche jusqu'à ce qui semblait être le vieux centre-ville ("Five Great Avenues") où s'entassaient à l'origine les grandes maisons coloniales des riches expatriés européens.
Ici, le piéton est une sous-classe, juste une coche au-dessus des coquerelles, la hiérarchie se fait sentir même sur les routes, avec les camions en haut de la pyramide, et les cyclistes et piétons tout en bas. Partout, des klaxons, des dépassements, des gens pressés... on se rend vite compte que le concept de l'angle mort n'est pas encore répandu et les chinois se laissent juste guider par le bruit des klaxons...





 Des deux côtés de la rivière Haihe, des grands efforts de revitalisation ont été mis en oeuvre avant les jeux Olympiques de 2008... on a cherché à recréer la Seine de Paris, avec ses bateaux-mouches et ses édifices à-la-Versailles, mais on reste avec l'impression de parcourir une portion fake de Disneyworld...





Comme c'est le cas dans plusieurs grandes villes asiatiques, les vieux quartiers coloniaux sont les plus intéressants. Ceux de Tianjin ne sont pas en très bon état, beaucoup sont placardés d'inscriptions du genre "bâtiment historique", comme si on reconnaissait leur valeur sans toutefois prendre les mesures pour les remettre en état.



Le Astor Hotel, relique coloniale anglaise vieille de 150 ans, mais foutument attirante, où je suis allé me payer un gros souper lors de ma seule journée de congé.




La rivière (ou plutôt le canal) Waihuan ... traverse quelques quartiers de la ville... par moments tranquille et presque bucolique, mais je ne peux m'empêcher de penser à son niveau de contamination...



Tendance étonnante et inattendue: la propagation des vélos de style Bixi, que les citadins peuvent emprunter en prenant d'abord en photo le code-barre ci-dessous, l'entreprise de location envoie ensuite par téléphone la combinaison pour débarrer le vélo et le temps d'utilisation est facturé à même son compte de téléphone... brillant!...
 Plusieurs compagnies de location ont envahi le marché et les vélos se retrouvent partout. Fait étonnant: on peut littéralement abandonner le vélo n'importe où... pas de lieu défini comme pour le Bixi à Montréal.



Mon hôtel est loin d'être le gros luxe, mais il fait la job. Le Centre NAD, qui m'envoie en Chine, avait recommandé le très luxueux "Renaissance Hotel", mais en fouillant un peu sur internet, j'ai découvert le Vatica Hotel à une fraction du prix (un quart, pour être plus précis!). La chambre était en ordre, propre, le lit confortable, mais le site est un peu retiré, tout au fond d'une ruelle, location idéale pour une immersion chinoise complète parce que tous les restaurants des environs n'ont que des menus en mandarin et je dois chercher ceux qui ont des photos de plats placardées au mur pour pouvoir pointer ce que j'aimerais commander. 
L'anglais ici est aussi répandu et utilisé que le klingon et je dois parfois avoir recours aux gestes pour demander quelques chose. (Comment on mime "nouilles Singapore"?)




La facade de mon hôtel, Le Vatica...


Dans le hall d'entrée de l'hôtel, une machine distributrice de... suppositoires!

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Le TUT (Tianjin University of Technology)

Ma routine de travail s'installe rapidement et varie à peine durant les 10 jours où je suis cédulé pour enseigner à l'université. 
Le chauffeur vient me chercher dans une belle mercedes blanche vers 7h le matin, on roule pendant environ 30 minutes à travers le trafic pour atteindre le campus du TUT, les cours commencent à 8h00 et se terminent à 11h30... pause de 2h30... reprise des cours à 14h jusqu'à 17h et mon chauffeur vient me reprendre pour me ramener à l'hôtel.
Les journées sont assez bien remplies je dirais!
Le gros défi à été d'ajuster mon plan de cours au niveau des étudiants, chose que j'ai du faire dès ma deuxième journée, mais j'ai eu l'aide de mes deux assistants, Simon et Lotus, deux professeurs d'animation du TUT qui servaient aussi de traducteur. Car dans les classes non plus l'anglais n'est pas très répandu et je dois prendre une pause après chaque élan pour laisser le temps à un de mes assistants de traduire. Ma crainte quand je donne des cours, c'est de manquer de matériel, me retrouver devant la classe après quelques heures et n'avoir plus rien à dire, avoir épuisé tout le contenu... mais au TUT, ce ne fut pas le cas... le temps de traduction a beaucoup aidé à étirer les leçons, mais je me suis rendu compte aussi très rapidement que le niveau de connaissances général des étudiants me forçait à passer plus de temps sur les concepts de base, expliquant plusieurs fois la même théorie, mais en utilisant des exemples différents. Tout mon plan de cours des 10 jours devait donc être revisé, ce que je faisais chaque matin dès mon réveil, entre 3h30 et 7h (profitant de mon décalage horaire!)... mais l'adrénaline aidant, je ne manquais pas d'énergie, malgré l'angoisse ressentie à chaque jour et la pression d'être à la hauteur. 

Heureusement, le campus du TUT est immense, un peu à l'écart de la ville, et a énormément d'espaces verts, d'arbres et même un immense lac artificiel... quand tu arrives tôt, tu peux même entendre les oiseaux et le vent, ou juste le silence... une des choses qui m'ont frappées, c'est le peu d'oiseaux dans le ciel, et l'absence d'insectes... il y a bien quelques moustiques qui me réveillent la nuit dans ma chambre, mais quand j'essaie de les tuer, ils sont étonnaments rapides, comme des mouches! C'est peut-être un gène qui s'est développé pour assurer leur survie ici.






Sur le campus même du TUT, un bureau est réservé aux professeurs invités. Un endroit très propre, calme, presqu'un lounge, où j'ai bien aimé passer du temps pour faire mes corrections ou me détendre sur un des canapés.



Dernier lunch somptueux avec mes deux hyper-sympathiques assistants et traducteurs, teacher Chow et teacher Leo


Mon collègue et ami Chris Kirshbaum, venu prendre la relève au TUT pour les 2 semaines suivantes... on s'était promis de se retrouver entre son arrivée et mon départ pour quelques "Tianjin and tonic" au fameux Renaissance Hotel!



Bien sûr, toute cette aventure "chinoise" a tourné presqu'uniquement autour de mes périodes d'enseignement... il m'arrivait parfois de compter à rebours les jours restants, fantasmant sur les 2 semaines suivantes de vacances, et savourer le sentiment du travail accompli. C'était intense comme expérience, mais pas surhumain, et c'est drôle comme dans les derniers jours je commençais à ressentir un petit pincement à l'idée que cette aventure touchait à sa fin. Je savais que j'allais me rappeler de ces 2 semaines pendant longtemps, et déjà je pensais à la possibilité prochaine de revenir donner le même cours, à un groupe différent, et je serais mieux préparé, plus détendu.
Cette forme d'expérience unique où le voyage et la découverte se mêlent à l'expérience professionnelle apporte une dynamique tout à fait unique, au-delà du "touristique"... on reste en mode "découverte", mais le fait de venir pour le travail rend l'aventure 100 fois plus immersive. On a l'impression de participer activement plutôt que d'être un simple observateur de passage. Et ce feeling-là est totalement addictif!
Au retour, à Montréal, lisant un livre du travel writer américain Paul Théroux, qui rapporte son périple à travers le sud de l'Afrique, je suis tombé sur ce passage qui réflète bien comment je me sens dans une telle situation:

 "nothing is more satisfying in travel than to land in a place and assume an occupation, even a temporary one as a teacher, to cease being a voyeur and have a purpose and a routine, especially one that involved interacting with intelligent students"

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